L'Empire ottoman, allié de l'Allemagne de l'Autriche-Hongrie lors de la Première guerre mondiale, subit des revers à Suez puis dans le Caucase. Les troupes turques s'en prennent alors à la population arménienne, désignée comme menace intérieure. Les premières déportations commencent dès la fin du mois de mars 1915. Le 24 avril, le parti des Jeunes Turcs organise une grande rafle dans les rues de Constantinople. Puis sur tout le territoire de l'Empire ottoman où vivent des Arméniens (entre 2 et 3 millions de personnes), le scénario se répète : arrestations, expropriations, déportations, exécutions. On tue les hommes. On arrête les femmes et les enfants et on les déporte. Vols, viols, spoliations, femmes et enfants vendus comme esclaves, massacres…
En Turquie de l'Est. Le père d'Hassan est malade et demande à son fils de prendre soin de Varto et Maryam, les enfants de Garabed Basmadjian, son ami arménien. Comme beaucoup d'hommes de son peuple, le père des deux enfants a été arrêté. Hassan doit conduire Varto et Maryam en lieu sûr, chez leur oncle. Commence alors un périple dangereux à travers les montagnes, un paysage hostile où rôdent les bandits, les chiens errants, les soldats et les survivants faméliques et hagards des déportations. Hassan commence ce voyage avec réticence, puis ses sentiments évoluent au fil du voyage. Cent ans plus tard, les descendants d'Hassan et des deux enfants, pour certains vivant en France, pour d'autres restés en Turquie, tentent de se retrouver…
C'est ce qu'explique Gorune Aprikian dans une interview accordée au site Clique, soulignant qu'avec Jean-Blaise Djian, son co-scénariste, il avait pour objectif de se mettre à hauteur d’enfant : « Varto n’est pas une BD historique, c’est l’histoire de deux gosses Arméniens pris dans l’oeil du cyclone ». Le scénario n’accuse personne, ne règle pas de comptes avec le passé. Il explore les conséquences du génocide sur le long terme, à travers un drame familial et des retrouvailles douloureuses, trois générations plus tard, entre les descendants des deux enfants. Les auteurs ont voulu construire leur BD comme un pont entre Arméniens et Turcs, Gorune Aprikian souhaitant « que les Turcs puissent s’identifier à Myriam et Varto, qu’ils comprennent la psychologie de la situation ». Varto, dit-il, « c’est avant tout un appel au dialogue », matérialisé par la dernière planche de la BD : « La conclusion, c’est : regardez, on est pareil ! »
Commander ici Varto, de Gorune Aprikian, Jean-Blaise Djian et Stéphane Torossian (Steinkis)